
Mariage sans juge, droit de vote des majeurs sous tutelle... Interview du Délégué Général de la FNAT pour "Le Point" suite annonces de la secrétaire d'État chargée du Handicap
A l'occasion du second Comité Interministériel du Handicap (CIH) du Jeudi 25 octobre 2018, Sophie Cluzel, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées a annoncé (dans le prolongement du récent rapport d'Adrien Taquet et de Jean-François Serres "Plus simple la vie - 113 propositions pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap"), de nouvelles mesures qui ont vocation à faciliter la vie de ces personnes, et notamment :
- le droit de vote inaliénable des personnes majeures sous tutelle,
- le
droit de se marier, se pacser ou divorcer, sans recourir à
l’autorisation judiciaire, pour les personnes majeures sous tutelle.
Si
la FNAT approuve cette avancée sociétale dans la droite ligne de
l’article 12 de la convention relative aux droits des personnes
handicapées de l’ONU, elle restera toutefois attentive quant aux moyens
qui seront réellement mis en oeuvre pour rendre effectifs ces nouveaux
droits.
Dans certains cas, il y a « Besoin du regard extérieur du juge » souligne Hadeel Chamson Délégué Général de la FNAT.
Le
principe initial selon lequel le juge des tutelles, gardien des
libertés, peut décider de retirer le droit de vote à l’occasion de
l’ouverture ou du renouvellement de la mesure de protection, avis
médical à l'appui, s'expliquait dès lors qu'il restait exceptionnel. La
loi du 5 mars 2007 réformant la PJM ayant par ailleurs posé le droit de
vote par principe des personnes en tutelle, comme tout citoyen.
La difficulté a résidé dans le fait que le principe posé a été dévoyé : "actuellement,
pour 83 % des majeurs placés en tutelle, le juge prononce le
retrait du droit de vote, sans réelle motivation dans les
décisions, ce qui entraîne une radiation de ces personnes des listes
électorales" comme le relève le rapport de Anne Caron Déglise sur
les pistes d'évolution de la PJM. Pour la FNAT cette annonce reste
limitée face aux difficultés des personnes en tutelle en situation de
handicap ; elle reste dans l’attente des moyens qui seront mis en œuvre
pour améliorer réellement leur quotidien.
→ Explications du
Délégué Général de la FNAT, M.Hadeel CHAMSON le 30 octobre 2018 pour le
magazine d'actualité hebdomadaire "Le Point" suite aux annonces de la
secrétaire d'État chargée du Handicap :
« Nous avons de
nombreux cas qui remontent du terrain, explique Hadeel Chamson, délégué
général de la Fédération nationale des associations tutélaires (Fnat).
Il y a dix jours, j'ai eu une discussion avec un directeur de service
dans le sud de la France. Il y avait de très fortes suspicions d'abus de
la part d'une auxiliaire à domicile qui s'occupait d'une personne sous
tutelle avec un patrimoine assez important et qui voulait se marier. »
« Avec
le nouveau dispositif, il n'y aura plus ce regard de l'extérieur, celui
du juge, qui est pourtant nécessaire, poursuit le responsable de la
Fnat. Il faut qu'on autorise le juge à avoir ce regard, dans les cas par
exemple, de suspicions de captation de patrimoine par des gens
malintentionnés. Les propositions faites par le gouvernement ne sont pas
assez vigilantes. »
« On est partis sur des droits
dogmatiques. Nous, nous voulons des droits effectifs. Attention de ne
pas affaisser notre système de protection en voulant faire de
l'individualisme forcé, alors qu'on devrait plutôt augmenter les moyens
mis à disposition des majeurs protégés. »
Il y a «
urgence » conclut le magazine partis à la rencontre d’autres
professionnels du secteur (juge, sénateur, USM…) qui rapporte que selon
une étude de 2016 commandée par la Direction générale de la cohésion
sociale, au vu du vieillissement de la population et des politiques
publiques en faveur d'un meilleur accompagnement des personnes
vulnérables, les mesures de protection pourraient avoir doublé d'ici
2040.
